En un mot, oui, selon Howard Gordon et Alex Gansa les anciens producteurs de 24 heures chrono qui développent actuellement cette série.
« Si vous considerez 24, c’était alors une réponse à l’effondrement des deux tours. C’était l’Amérique qui prend part à l’action contre ses ennemis » explique Gansa. « C’est une réaction forte à la mort d’Oussama ben Laden. C’est une exploration au sens psychologique de ce que cette guerre contre le terrorisme a signifié pour les États-Unis ainsi que pour toutes les personnes qui se sont retrouvés impliqués dedans d’une manière ou d’une autre. »
Pour Howard Gordon, « Il s’agit vraiment de ce qu’il nous faut craindre maintenant que tous ces affreux personnages des 10 dernières années… sont morts ou enfermés. On en vient à se demander, ‘de quoi devons nous avoir peur, et à quoi ça ressemble?’ Cela ne veut en aucun cas dire que là-bas, rien ne nous menace, ça signifie juste que ces choses là sont devenues bien moins évidentes qu’elles ne l’étaient il y a dix ans ».
Dans cette affaire, la menace pourrait bien venir du sergent Nicholas Brody (Damian Lewis), un tireur d’élite de la marine dont on est sans nouvelles depuis huit ans. Lorsque le sergent Brody fut retrouvé au cours d’un raid dans un endroit que l’on sait tenu par des terroristes, l’agent spécial de la CIA Carrie Mathison (Claire Danes) va faire tout ce qui est en son pouvoir (parfois même plus, en faisant installer chez lui et sans autorisation du matériel de surveillance) pour prouver que le sergent Brody est maintenant à la solde d’Al-Qaida et pourrait participer à une prochaine attaque contre le pays.
Mais il y a juste quelques petits problèmes: La théorie de Carrie est basée uniquement sur quelques anciennes informations qu’elle a reçues d’une source dont l’exécution a été programmée d’ici peu. Elle souffre également de troubles psychatriques, ce qu’elle tente par tous les moyens de cacher à ses supérieurs à la CIA. « Puisque les six ou sept premiers épisodes se sont concentrés sur la question du côté où se trouve le sergent Brody, et s’il a vraiment été récupéré par Al-Qaida, la fiabilité de Carry se retrouvera en première ligne au centre de l’histoire », affirme Alex Gansa. « Elle est la seule qui ait propagé cette théorie très impopulaire à propos du sergent Brody. Et les téléspéctateurs se demanderont imanquablement si il faut croires ses opinions sur ce sujet ».
Celui qui pourrait un peu guider les téléspéctateurs serait Saul, le mentor de Carrie (joué par Mandy Patinkin), qui pourrait se retrouver lui aussi au coeur de la tourmente pour avoir fini par donner de la crédibilité à la théorie de son agent. « Nous avons là un homme avec un coeur gros comme ça, qui est une légende pour tous les membres de l’agence », insiste Gansa. « Au fur et à mesure que ses sentiments pour Carrie vont évoluer et changer, je pense que le public va se tourner vers lui afin d’essayer d’avoir une référence, quelqu’un qui pourrait leur dire où ils en sont et que penser de tout ça. Malheureusement les troubles dont souffre Carrie sont tels qu’ils lui font réaliser des choses insensées et inconsidérées, parce que illégales et dangereuses. Dans un certain sens, je pense que toutes les personnes qui sont proches d’elles auront à souffrir des conséquences de ses actes. Et ce sera certainement vrai pour Saul ».
Pendant ce temps, le sergent Brody retourne chez lui et retrouve son foyer et sa femme (Morena Baccarin) qui, en son absence, a commencé à coucher avec son meilleur ami. Et en plus, le soldat est accueilli aussi peu chaleureusement que possible par sa fille adolescente rebelle et son fils, qu’il n’a jamais connu. « Nous utilisons la famille dans le but de montrer d’une façon dramatique comment se passe son retour à son ancienne vie, et à quel point ce retour s’avère être difficile pour lui » fait remarquer Gansa. « Pour certains anciens prisonniers de guerre, un mariage et une famille sont comme une prison en eux-mêmes ».
Mais ces relations au sein de la famille peuvent-elles réellement affecter les décisions de Brody, s’il est vraiment devenu un agent en sommeil d’Al-Qaida? C’est une question avec laquelle les téléspéctateurs devront encore lutter pendant la majeure partie de la saison. « La grande question était: pendant combien de temps encore allons nous faire cela tout en restant convaincants et sans bien entendu perdre notre public » a affirmé Gordon. « Je pense que nous avons trouvé un certain équilibre pour répondre à des questions, même si cela ne confirmera pas nécessairement s’il est ou non un terroriste, mais plutôt qu’il risque bien de parler de ce qu’il est devenu et de ce qu’il a vécu ».
Mais encore une fois, dans ce cas quand-est-ce qu’un terroriste peut être appelé un terroriste? « Ce n’est pas une question qui ne se pose plus à partir du moment où l’on sait s’il a changé de bord ou pas », précise Gansa. « Je veux dire, hypothétiquement, si il est passé du côté de l’ennemi, il ne sera vraiment un terroriste qu’au moment où il passe réellement à l’action et commets un acte terrorisme. Il y a là une vraie possibilité de dramatiser cette lutte au sein de lui-même pour savoir s’il en passera ou non par là. Il sera par un moyen ou par un autre en conflit psychique ».
Au final, d’après Gansa, les mentalités fragiles de Carrie et du sergent joueront l’une contre l’autre. « A travers la surveillance accrue de cet homme, elle va commencer à développer pour lui des sentiments qui ne sont pas acceptables, qui sont sans aucun rapport avec l’affaires » explique-t-il. « Cette série devient vraiment comme une collision entre ces deux personnages — une collision entre deux personnes qui ont été blessées et qui le sont encore ».
Et ce pourrait bien être une observation assez critique de la série sur le monde d’après-après 11 septembre. « Je dirais que s’il devait y avoir un message, ça serait que rien n’est jamais gratuit », ajoute Gordon. « Nous essayons méticuleusement de ne pas chercher à faire de commentaires ou de polémiques sur la moralité. Nous essayons de façon certaine de poser quelques questions, mais je ne pense pas que nous y apportons quelque réponse que ce soit »…